Les modèles du système solaire

Des planètes et des planètes naines avec leurs satellites naturels, ainsi qu’une foule d’astéroïdes … voilà ce qui constitue le système solaire (fig.1). Comment prédire avec précision la position des planètes dans ce système ? Avec des modèles numériques ! Ces modèles donnent accès aux éphémérides des planètes dans le passé, mais aussi dans le futur.

fig. 1 : vue idéalisée du système solaire

Avant de s’intéresser aux méthodes employées pour calculer ces éphémérides, prenons déjà un exemple avec les données délivrées par le JPL (Jet Propulsion Laboratory, voir[1]) pour la période du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2040 (fig. 2).

fig. 2 : trajectoires des planètes Mercure, Vénus, Terre et Mars sur 20 ans, de 2020 à 2040 (les distances sont exprimées en Unité Astronomique qui est la distance moyenne Soleil-Terre)

Le plan en grisé est l’écliptique de référence (le plan qui inclue l’orbite de la Terre au 1er janvier 2000). Les orbites des autres planètes ne sont pas dans ce plan, comme on peut le constater en dilatant l’axe Z ! À une échelle plus grande, on obtient le résultat ci-dessous (fig. 3), avec les 8 planètes et la planète naine Pluton.

fig. 3 : trajectoires des 8 planètes et de la planète naine Pluton sur 20 ans, de 2020 à 2040 (les distances sont exprimées en Unité Astronomique qui est la distance moyenne Soleil-Terre)

Le repère de référence et de calcul est nommé ICRS  (International Celestial Reference System). Il a pour origine le barycentre du système solaire. Regardons maintenant les principes utilisés pour les calculs d’éphémérides permettant d’obtenir les positions au cours du temps.

Les modèles actuels sont fondés sur une représentation d’état et le calcul d’éphémérides à partir de ces modèles fait appel à une méthode d’intégration numérique. Pour le système solaire, l’état rassemble à un instant donné les positions et les vitesses de tous les corps célestes pris en compte dans le modèle. Il est représenté à cet instant t donné par un vecteur d’état x(t).

Pour savoir comment ce vecteur d’état va évoluer au cours du temps, il faut lui associer une équation d’évolution de la forme dx(t)/dt = f(x(t)).

Les composantes du vecteur d’état correspondant aux positions ont une dérivée qui sont simplement les vitesses présentes dans ce même vecteur ! Les composantes du vecteur d’état correspondant aux vitesses ont une dérivée qui sont des accélérations obtenues par l’application des lois de la physique. Ces accélérations peuvent alors se calculer uniquement à partir des composantes du vecteur d’état !

Cette équation d’évolution est en général impossible à résoudre. Il faut alors recourir à une méthode d’intégration numérique. Juste pour illustrer le principe, prenons la méthode simple proposée par Euler, qui consiste à faire l’approximation dx(t)/dt ≅ (x(t+∆t)-x(t))/∆t.

On a alors accès à l’état pour un instant suivant t+∆t

x(t+∆t) ≅ x(t) + ∆t.f(x(t))

Le procédé est repris aux instants suivants

x(t+2∆t) ≅ x (t+∆t) + ∆t.f(x(t+∆t))

Et ainsi de suite !

Tout en conservant ce principe, les méthodes d’intégrations numériques sont en fait bien plus élaborées que celle présentée ici, afin de minimiser l’erreur due aux approximations successives. Il faut aussi définir avec précision l’état initial à partir duquel on réalise les prédictions successives.

Parmi les modèles existants, on peut citer la version actuelle DE431 (Development Ephemeris, voir [5]) du JPL, utilisée pour les exemples déjà présentés, ainsi que INPOP (Intégration Numérique Planétaire de l’Observatoire de Paris, voir [6]). Dans le modèle DE431, les huit planètes sont prises en compte, ainsi que la planète naine Pluton et … 343 astéroïdes ! Chaque corps céleste subit l’interaction de tous les autres, afin d’évaluer précisément les perturbations sur leur orbite ! Par ailleurs, les modèles cités prennent en compte la relativité générale. On fait alors appel à une approximation « post-newtionnienne » (voir [3]) permettant de conserver le principe de la représentation d’état et la mise en œuvre des méthodes numériques associées.

Pour tester ces modèles et effectuer des comparaisons, il est possible d’en programmer un avec seulement les huit planètes et Pluton. Chaque astre y subit les interactions de tous les autres, en restant dans le cadre de la mécanique classique (un « modèle Newton »).

Première étape du programme (fig. 4) : définir les paramètres gravitationnels standards de chaque astre (produit de la constante de gravitation G par la masse de l’astre).

fig. 4 : définition des paramètres gravitationnels standards dans le programme

Deuxième étape du programme (fig. 5) : définir les conditions initiales pour chaque astre (3 composantes pour la position et 3 composantes pour la vitesse). L’instant initial choisi est le 1er janvier 2020 à 0h UTC. Ces valeurs sont obtenues avec le modèle DE431.

fig. 5 : définition des conditions initiales dans le programme

Dernière étape du programme (fig. 6) : c’est le « moteur » du modèle avec le lancement de la méthode d’intégration numérique sur une durée de 20 ans. Cette méthode a juste besoin de l’équation d’évolution dx(t)/dt =f(x(t)) ! On y fait du « Newton » classique entre tous les astres.

fig. 6 : lancement du calcul dans le programme (la fonction x_derivee=ode_systsol() correspond à l’équation d’évolution du système)

Après exécution du programme, on compare les positions qu’il délivre avec celles du modèle DE431. Les distances entre ces positions n’excèdent pas 4000 km, qui est l’écart observé (fig. 7) avec la planète Mercure !

fig. 7 : distance entre les positions délivrées par le programme et celles obtenues avec le modèle DE431, pour la planète Mercure

Mais intéressons-nous de plus près à la trajectoire de la planète Mercure. Pour affiner la comparaison entre les modèles, calculons un de ses paramètres orbitaux qui est la position angulaire de son périhélie (voir [2] pour la définition de ces paramètres).

Le résultat (fig. 8) nous fait constater l’apparition d’un petit écart entre les modèles.

fig. 8 : position angulaire du périhélie (avec une origine pour l’angle correspondant au début de la simulation) pour les 2 modèles

Remarquons déjà que le « modèle Newton » donne environ 106 secondes d’arc pour 20 ans, tout à fait conforme à la prédiction de 532 secondes d’arc par siècle, calculée par Urbain Le Verrier (voir [4]) !

Regardons maintenant l’écart entre ces positions angulaires (fig. 9).

fig. 9 : écart sur les positions angulaires du périhélie de Mercure

En représentant ce petit écart, on obtient 8,5 secondes d’arc en 20 ans soit environ 42,5 seconde d’arc par siècle. C’est aussi tout à fait conforme à l’écart constaté par Urbain le Verrier entre ses observations et ses prédictions avec les lois de Newton, expliqué ensuite par la relativité générale !

Les liens utiles :

[1] L’interface donnant accès aux éphémérides calculées par le Jet Propulsion Laboratory
https://ssd.jpl.nasa.gov/horizons.cgi

[2] Calcul des paramètres orbitaux
http://mecaspa.cannes-aero-patrimoine.net/COURS_SA/PARAMORB/Paramorb.htm

[3] Approximation post-newtonienne
https://en.wikipedia.org/wiki/Einstein%E2%80%93Infeld%E2%80%93Hoffmann_equations

[4] Avance du périhélie de Mercure, observée par Urbain Le Verrier
https://media4.obspm.fr/public/ressources_lu/pages_gravitation/mctc-avance-mercure.html

[5] Description du modèle DE431 du JPL
https://naif.jpl.nasa.gov/pub/naif/generic_kernels/spk/planets/de430_and_de431.pdf

[6] Description du modèle INPOP (Intégration Numérique Planétaire de l’Observatoire de Paris)
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00689852/document

kevinm@terre-plate.org

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