Les arguments avancés pour expliquer comment ça marche
Il y a beaucoup de personnes qui parlent de magnétisme, voire qui en font du charlatanisme comme les médecins magnétiseurs, mais peu qui savent vraiment ce que c’est. Je vais donc faire le point dessus et appliquer ceci au champ magnétique terrestre. C’est un phénomène d’origine électrique. Une charge électrique qui est immobile dans un certain référentiel crée un champ électrique. Dans un autre référentiel où elle est en mouvement, elle crée un champ magnétique en plus du champ électrique. On parle alors de champ électromagnétique. Tout s’explique par la relativité restreinte. Historiquement, une conséquence de l’électromagnétisme : Einstein devait expliquer pourquoi la vitesse de la lumière, qui est une onde électromagnétique, est la même dans tout référentiel inertiel.
Des champs magnétiques
De ceci, il résulte que tout courant électrique crée un champ magnétique, puisque c’est un déplacement d’électrons dans un matériau conducteur. Ce matériau n’est pas forcément porteur d’une charge électrique : il y a autant de charges négatives (électrons) que de charges positives. Si l’on fait une boucle avec un ou plusieurs fils électriques, on obtient un champ magnétique décrit par la première figure – où le courant électrique est en rouge et I signifie « intensité ». Mathématiquement, c’est un champ vectoriel, c’est-à-dire qu’en chaque point, il y a une flèche toujours notée B, avec une certaine longueur. Historiquement, on l’a appelé l’induction magnétique. Les physiciens l’appellent maintenant le champ magnétique. Son unité est le volt-seconde par mètre carré, plus simplement appelée le tesla.
Sur le dessin, en un point donné, la flèche est toujours tangente aux lignes du champ. Celles-ci peuvent être visualisées par une petite boussole : son aiguille s’oriente le long de ces lignes, son pôle nord dans le sens des flèches noires. On obtient un champ comparable en remplaçant les fils électriques par un barreau aimanté, son pôle nord en haut et son pôle sud en bas. Les aiguilles des boussoles sont elles-mêmes des aimants dont les pôles nord sont attirés par le pôle sud du barreau. La grosse flèche bleue, notée m, représente ce qu’on appelle un moment magnétique.
Où l’on parle de diamagnétisme
Le champ magnétique des aimants permanents est créé par un phénomène d’origine quantique : les atomes ont des moments magnétiques. Ils se comportent donc tous comme des aimants. Normalement, ces moments magnétiques ont des directions aléatoires, si bien que leur somme est nulle. Le corps ne crée aucun champ magnétique. Quand on le plonge dans un champ magnétique, ses moments magnétiques ont tendance à s’orienter le long des lignes du champ, si bien que leur somme n’est plus nulle et que le corps se transforme en un aimant. On l’appelle une aimantation induite. Elle est toujours inverse au champ appliqué (c’est le diamagnétisme) sauf dans le cas des matériaux comportant du fer, où il est dans le sens du champ appliqué (c’est le paramagnétisme). Mais elle est faible et disparaît quand le champ appliqué est supprimé, puisque les moments magnétiques reprennent une orientation aléatoire. Avec les matériaux ferromagnétiques, l’aimantation est forte et ne disparaît pas. Ils contiennent tous du fer. Il s’agit du fer pur, des aciers, des oxydes de fer comme la magnétite, des sulfures et des hydroxydes de fer. On peut donc fabriquer des aimants permanents avec ces matériaux.
Sur Terre
On sait que la Terre crée un champ magnétique. Tout se passe comme si elle avait un barreau aimanté en son centre, avec le pôle sud magnétique du côté du pôle nord géographique. À la surface de la Terre, l’intensité de ce champ ne dépasse pas 60 microteslas. Les lignes de champ sortent de la surface de la Terre dans l’hémisphère Sud et rentrent dedans dans l’hémisphère Nord. On s’en apercevrait si les aiguilles des boussoles étaient libres de se mouvoir dans toutes les directions, au lieu de ne pouvoir le faire que dans un plan. En France, le pôle nord des boussoles basculerait vers le sol. Au pôle sud magnétique, elles seraient perpendiculaires au sol.
La grande question, c’est l’origine de ce champ magnétique. On peut éliminer tout de suite le ferromagnétisme, puisqu’à l’intérieur de la Terre, il fait trop chaud. L’aimantation des matériaux ferromagnétiques disparaît à partir d’une certaine température, dite de Curie, à cause de l’agitation des atomes. Elle est de 770 °C pour le fer et de 585 °C pour la magnétite. Il ne reste donc qu’une possibilité : la présence de courants électriques à l’intérieur de la Terre. Il n’y en a pas d’autre ! Or la sismologie a démontré l’existence d’un noyau externe liquide à l’intérieur de notre planète, entre 2 900 et 5 150 km de profondeur. Sa densité est à peu près celle du fer. C’est le coupable idéal. Il ne peut pas y avoir de courant électrique dans le manteau parce qu’il est solide, constitué de roches non conductrices.
Ce noyau externe liquide entoure un noyau
interne solide, aussi appelé la graine, qui va jusqu’au centre de la
Terre, en moyenne à 6 371 km de profondeur. Il s’agit donc d’une boule
de 1 221 km de rayon. Le noyau externe est une autre boule concentrique
de 3 471 km de rayon. L’existence de la graine est due au
refroidissement du fer. À cette profondeur, où il règne une pression de
330 milliards de pascals (3,3 millions d’atmosphères), il cristallise à
peu près à 4 500 °C. C’est donc la température qui règne à la surface de
la graine.
On suppose que le fer liquide est animé de mouvements
causés par le refroidissement du noyau. Ce sont des mouvements de
convection influencés par la rotation de la Terre : la force de Coriolis
peut jouer. De plus, la cristallisation du fer à la surface de la
graine libère des éléments volatils dans le noyau externe, qui influent
sur les courants de fer.
Les trois satellites SWARM de l’Agence Spatiale Européenne, lancés le 22 novembre 2013, ont beaucoup contribué à la connaissance du champ magnétique terrestre. Ils ont été placés en orbite polaire, c’est-à-dire qu’ils survolent les deux pôles géographiques. Parmi les découvertes annoncées, figure une sorte de jet-stream dans le noyau externe, principalement sous l’Alaska et la Sibérie. Le fer s’y déplace à la vitesse de 40 kilomètres par an, trois fois plus que la vitesse habituellement constatée. Ces mouvements sont lents, mais ils doivent être comparés à ceux des plaques tectoniques. Elles ne parcourent que quelques centimètres par an puisqu’elles reposent sur un manteau solide. Ce dernier flotte sur le noyau externe, liquide mais deux fois plus dense que lui. Ainsi, l’étude du champ magnétique, de ses variations spatiales et temporelles, permet d’entrevoir ce qui se passe dans cette zone dont l’accès direct est totalement impossible.
Comme il est créé par un matériau fluide, il est compréhensible que le champ ne soit pas statique. La variation qui s’effectue sur des périodes de quelques années à plusieurs millénaires est qualifiée de séculaire. Les pôles magnétiques se déplacent au fil des ans. Il leur arrive aussi de s’inverser. Depuis 160 millions d’années, 296 inversions ont été répertoriées. Entre elles, il s’écoule une durée moyenne de 540 000 ans. On les a découvertes en observant l’aimantation rémanente des roches, en particulier des laves. Il s’agit de ferromagnétisme induit par le champ magnétique terrestre, qui apparaît lors du refroidissement du magma vers 500 °C. Il est dû à la présence d’oxydes de fer (titano-magnétites et titano-ilménites). Ainsi, les roches de la croûte terrestre créent un champ magnétique qui se superpose à celui du noyau externe. Il ne représente qu’un pour cent du champ total. À l’heure actuelle, le mécanisme de l’inversion n’est pas connu. On annonce parfois que le champ devrait s’annuler avant de s’inverser dans les prochains siècles, mais ce n’est nullement certain.
Erika Wehrel
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